Pensées profondes d'une fille écervelée

L’euphorie de la page blanche

Ses mains sur le clavier volent d’une lettre à une autre, pour former ces mots, ces phrases qui jaillissent de sa tête dans un ordre tout relatif. La tête va vite, les mains beaucoup moins.

De temps en temps, elle regarde l’écran, relit ce qui s’y est affiché, quelques fois incrédule, d’autres fois ravie, toujours galvanisée par cette décision, prise quelques mois auparavant, de ne plus laisser tourner ces mots dans sa tête et de les laisser exister par eux-mêmes.

Souvent, elle a été surprise de se rendre compte que ses mots à elle pouvaient décrire leur quotidien à eux. Elle se découvre une voix, un pouvoir sur la réalité qui la grise. Elle peut enfin montrer aux autres qu’elle est autre chose que ce personnage qu’elle s’est forgé, au fil du temps. Ce personnage trop bruyant qui ne trouve jamais comment verbaliser les émotions qu’il ressent. Elle découvre que les mots sont bien là, qu’ils n’avaient besoin que d’une page blanche pour se libérer. Il semble que ses mots se couchent mieux qu’ils ne s’envolent. Les émotions sont plus simples à gérer seul devant son écran que face aux autres.

Le rituel est bien ancré. Sa tête, encore calme l’instant d’avant, commence à vibrer de mots, de phrases lancées au hasard et qu’elle peut, à loisir, attraper ou laisser s’échapper. Elle sait alors qu’il est l’heure de s’atteler à la tâche. Elle se pose et lance sa playlist. La musique est omniprésente dans le processus et, bien souvent, détermine la tournure des écrits. Elle s’en imprègne, y puise une émotion et se lance.
Elle attrape un clavier. Que ce soit celui de son ordinateur ou de son téléphone, peu lui importe. Elle n’a jamais tenté le papier parce qu’elle n’aime pas faire de plans. Elle part, sans jamais savoir où elle va arriver. Elle sait que le voyage est plus excitant quand la destination reste inconnue. Le poète l’aura dit bien mieux qu’elle mais elle s’en fiche, parce qu’il ne s’agit pas du poète, il s’agit d’elle et d’elle seule.

L’exercice est profondément narcissique et elle assume. L’art, sous toutes ses formes, est un exutoire et un miroir. L’artiste se regarde dans les yeux de son public et s’apprécie à la mesure de l’attention que celui-ci lui porte, tout comme un enfant mesure l’amour de ses parents au nombre de baisers reçus. L’artiste est un enfant en constante quête d’affection. Elle ne fait pas exception.

Elle sait que c’est la bonne idée si l’écriture est fluide. Elle pense, probablement à tort, que ce qui est juste est aisé à exprimer. Elle sait aussi que c’est ce qui la freine. Elle voudrait avoir l’énergie nécessaire pour commencer quelque chose qu’elle sait ne pas pouvoir finir dans l’heure. Elle admire les planificateurs, les auteurs à la feuille de route. C’est une histoire de courage, elle en est convaincue. Un jour, se dit-elle, elle trouvera l’histoire qui vaudra le coup d’être développée. En attendant, elle continue de se déverser sur son clavier, d’essai en essai, en rêvant, mais pas trop fort, qu’un jour, peut-être, un autre qu’elle la traitera d’artiste.

Le mot de départ a créé son propre cours et l’histoire arrive à son terme, comme un flocon se retrouve dans la mer, au terme de sa course folle. Le flocon ne le sait pas, mais il a contribué, de son poids insignifiant, à la création d’un fleuve. Un rayon de soleil sur l’étendue d’eau et ce flocon devenu océan repart dans l’éther azuré. De là-haut, au terme d’un autre voyage, il redeviendra peut-être flocon pour participer à la création d’un nouveau ruisseau.
Il est des mots comme des flocons. Isolés, ils ont relativement peu d’impact. Conjugués, ils prennent toute leur force. A elle de les contrôler pour que leur multiplication soit comme une douce couverture posée sur son monde.

 

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Katia

Bloggeuse amateur & Ecrivain dilettante

Non, ce n’est pas moi sur la photo et c’est la raison pour laquelle j’écris et que je ne fais pas de vidéos.
Rêver sa vie ou vivre ses rêves ? J’avoue que je n’ai pas encore choisi. Et vous ?

Katia Lacourte

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